Mosireen : produire et faire circuler les images de la révolution égyptienne
Thomas Richard  1, *@  
1 : Centre Michel de l'Hospital : laboratoire de recherche en sciences juridiques et politiques  (CMH)
Université Clermont Auvergne
École de Droit, 41 boulevard François Mitterrand, TSA 80403, 63001 Clermont-Ferrand Cedex 1 -  France
* : Auteur correspondant

Entre 2011 et 2014, le collectif Mosireen, fondé par des activistes liés au monde de la vidéo et du cinéma (Lara Baladi, Khalil Abdallah...) a publié des centaines d'heures de vidéo sur la révolution égyptienne, rassemblées depuis 2018 dans une archive en ligne de 858 heures. Le travail du collectif a été largement repris dans les médias, faisant de lui un des principaux canaux qui ont donné une image de la révolution égyptienne, son travail étant largement interprété dans sa dimension testimoniale et archivale (Mollerup 2017, Hankey et Tuszyinski 2016). Notre objet de recherche, partant de cet acquis, consiste à interpréter le collectif comme producteur et diffuseur d'images, visant à faire connaître les événements dans l'ensemble du pays, et à leur donner une caisse de résonance internationale. Les animateurs du groupe sont motivés par une réflexion approfondie sur les enjeux thématiques et sur la question du hors-champ de la révolution, conduisant, à partir d'un corpus brut, à construire un récit permettant de faire dialoguer les images entre elles, et à provoquer le débat chez les spectateur, autour des émotions véhiculées. En suivant les analyses de Philippe Braud (1996), nous voulons chercher à comprendre comment ces images prises sur le vif ont été rassemblées de façon thématique autour des sentiments de pitié, de révolte, d'humiliation, et de solidarité entre Egyptiens et à l'étranger, et ce à l'aune des réflexions de Luc Boltanski (1993) et d'Arjun Appadurai (2007). Mosireen, qui est également à l'initiative de Tahrir cinéma et de l'organisation de projections dans tout le pays (Mollerup 2015), naît de la volonté de créer une nouvelle esthétique au moment de la révolution (Hamamsy-Wasafiri 2012, Dickinson 2018). Ce travail se fait en donnant la parole à tous, et en interrogeant très directement du point de vue théorique les notions d'auctorialité et de point de vue vis-à-vis de leur sujet, dans une démarche proche de celle développée par les groupes Medvedkine. A travers l'étude de ce corpus, notre objet est de voir comment les choix esthétiques permettent de porter ces démarches, en s'inscrivant à la fois dans la culture visuelle locale (Gruber et Haugbolle 2013), et dans les possibilités propres aux nouveaux médias (Kasm 2018). Au-delà des images brutes, Mosireen a traduit la révolution (Toremans 2016, Selim 2015), et a travaillé à faire circuler images, concepts et émotions, cherchant à définir, dire et donner à voir l'identité de l'Egypte en révolution (Nicoarea 2014).

 


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