De la grève à l'image: visées syndicales et cadrage sociologique
Lina Cardenas  1, *  , Jordane Burnot * @
1 : Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés  (LATTS)
Ecole des Ponts ParisTech, Centre National de la Recherche Scientifique, Université Gustave Eiffel
Ecole des Ponts ParisTech, Cité Descartes, 6 et 8 avenue Blaise Pascal, F. 77455 Marne-la-Vallée cedex 2 -  France
* : Auteur correspondant

Le mardi 2 avril 2019 - suite à des élections professionnelles victorieuses - des salarié·es de Pizzorno (groupe de ramassage d'ordures ménagères) du site de Vénissieux se mettent en grève. Les 14 jours de la grève seront particulièrement bien documentés par les acteurs, permettant des publications quotidiennes d'images sur les réseaux sociaux de l'USS, images parfois reprises par la presse locale. Une doctorante en sociologie filmera presque quotidiennement le piquet et la lutte dans une double perspective de recherche et d'automédia pour le syndicat. Considérée par les militant·es comme exemplaire, cette grève va être par la suite matérialisée dans un documentaire audiovisuel qui deviendra un moyen de rendre visibles les possibilités de syndicalisation dans le secteur du ramassage des déchets.

Le syndicat utilise les images récoltées pendant la grève comme contrepoint médiatique pour contraindre l'employeur, pour peser dans les négociations (Mercier, 1994), renforcer le rapport de forces et légitimer le mouvement. Par ailleurs, la caméra se transforme pendant la grève, en outil de libération de la parole sur les conditions de travail - parole considérée par des syndicalistes comme nécessaire pour la mise à l'action (Delmas, Bué, et Merlin 2014).

Ainsi, et au-delà de l'évènement, cet usage de l'image permet d'explorer plus en avant les conditions de travail. Ici l'appropriation de l'outil audiovisuel va permettre d'imaginer un nouvel usage de la vidéo à moyen et long terme. L'objectif syndical est pluriel : créer un outil de propagande (Perron, 1995), mais aussi de formation et de transmission (Mariette, 2011). L'organisation entend ainsi montrer un syndicalisme démocratique qui fonde les négociations et la participation institutionnelle sur la lutte de terrain, tout en mettant en avant l'importance de la parole des salarié·es sur leur travail. Ce processus va nécessiter de nouvelles prises de vue, mais aussi la construction d'une dramaturgie propre au cinéma documentaire a posteriori.

Cette nouvelle étape interroge les tensions qui peuvent alors exister entre l'exigence de la production filmique et celle de la lutte syndicale. Nous chercherons ici à expliciter et analyser l'ensemble du processus de recherche-action-création auquel nous avons participé. Il s'agira ainsi de comprendre les usages de l'image pendant et après la grève, mais aussi d'interroger le processus de sélection des séquences qui permet d'interroger ce qu'on « veut » donner à voir.


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