À partir de deux ethnographies visuelles conduites en prison et dans les services pour toxicomanes, nous analysons les apports de l'audiovisuel dans l'écriture en sciences sociales. Le film sociologique apparaît comme une forme d'« écriture sensible » capable de valoriser la dimension matérielle des contextes et des sujets concernés, tout comme la qualité des interactions entre enquêteur·rices et enquêté·e·s. Après avoir présenté les deux terrains de recherche, notre proposition illustre le potentiel de l'usage de la caméra dans l'enquête ethnographique. Sous la forme d'ateliers-vidéo participatifs, l'audiovisuel favorise la construction d'une relation d'enquête dynamique et intersubjective, en faisant de l'écriture filmique un processus collectif. Deuxièmement, la sociologie visuelle permet de mettre en valeur les corps et les voix des acteurs sociaux, sans passer par le filtre de la traduction à l'écrit. En conclusion, nous reviendrons sur la dimension polyphonique de l'« écriture sensible » propre aux films sociologiques, en invitant les chercheur·se·s à « regarder sociologiquement » et à « penser visuellement ».