Par auteur > Pizarro Sebastián

Peut-on appréhender le travail domestique comme du care ?
Sebastián Pizarro  1, *@  
1 : Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique  (LISE)
Conservatoire National des Arts et Métiers [CNAM], Centre National de la Recherche Scientifique
2 rue Conté - 1LAB40 75003 Paris -  France
* : Auteur correspondant

Peut-on appréhender le travail domestique comme du care ? Cette communication se propose de traiter cette question à partir de données audiovisuelles collectées dans le cadre d'une enquête de terrain menée auprès de familles. Ainsi, elle montre que les activités domestiques constituent bel et bien un travail de care dans la mesure où elles sont motivées par le souci d'autrui. Ce faisant, sa contribution est double. D'une part, à partir de l'analyse de données de terrain, elle prend position dans le débat académique qui oppose travail domestique d'un côté, et care de l'autre. D'autre part, elle souhaite prolonger les recherches audiovisuelles sur le travail domestique tout en apportant, plus particulièrement, des éléments de réflexion concernant les freins à la pratique de la délégation des activités familiales.

Le care est le concept le plus souvent utilisé pour traiter de l'entretien de la vie humaine. Or, en désignant notamment des dispositions émotionnelles et relationnelles ainsi que le travail de soins prodigué en direction d'individus dits « dépendants » (personnes âgées ou en perte d'autonomie, jeunes enfants) dans la sphère familiale, celui-ci fait l'objet de critiques en raison du caractère étriqué de son périmètre de sens (Pizarro, 2022a). En effet, en même temps qu'il ne tient pas compte du travail produit auprès d'individus « autonomes » et effectué, par ailleurs, par des acteurs sociaux autres que la famille (le voisinage, le marché, les services publics, etc.), les activités domestiques (ménage, préparation des aliments, entretien du linge, entre autres) ne seraient pas considérées comme relevant du care (Verschuur, 2013 ; Bertaux, 2014 ; Molinier, 2020 ; Hirata, 2021). À partir de données audiovisuelles, cette communication se propose de montrer que le travail domestique peut être appréhendé comme du care à part entière. En restituant des données diverses (le son, le temps, les gestes du travail), ce type de matériau permet, en effet, de rendre compte des dimensions éthiques et relationnelles engagées dans la production domestique. Pour atteindre notre propos, nous allons nous appuyer sur un montage filmique élaboré à partir de données collectées dans le cadre d'une recherche doctorale en sociologie (2017-2022). Menée auprès de 38 familles domiciliées en Île-de-France et diversifiées (en termes de capitaux économique et culturel, d'origine sociale et de type de famille), celle-ci a cherché à cerner la capacité du régime de reproduction français contemporain, à savoir la manière dont l'État-providence organise les pratiques de prise en charge des activités qui concourent à l'entretien des forces humaines (alimentaires, ménagères, vestimentaires, de soins d'autrui, etc.), à soulager le travail domestique des familles, en général, et des femmes, en particulier. À cet effet, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs et des observations à domicile, lesquelles nous avons filmé sous l'autorisation des enquêté·e·s. Ce faisant, l'intérêt a été de saisir les activités indispensables à la reproduction des individus au quotidien, les acteurs sociaux participant à leur prise en charge et les variations des pratiques familiales au fil du parcours de vie des enquêté·e·s. En mobilisant ce matériau et notamment des données filmiques, cette communication se propose de prolonger les recherches audiovisuelles sur le travail domestique (Haicault, 2000) et, plus particulièrement, vise à apporter des éléments de réflexion concernant les freins à la pratique de la délégation des activités familiales (Pizarro, 2022b ; Pizarro, 2023). Images mobilisées (sélection) Références bibliographiques Bertaux D. (2014) « Le care comme partie émergée de la production de la vie », Revue des sciences sociales, nº52, p. 118-128. Haicault M. (2000) L'expérience sociale du quotidien. Corps, espace, temps, Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa. Hirata H. (2021) Le care, théories et pratiques, Paris, La Dispute. Molinier P. (2020) Le travail du care, Paris, La Dispute. Pizarro S. (2022a) Le régime de reproduction français à l'épreuve du principe d'égalité : la face cachée de l'iceberg, Thèse de doctorat en sociologie, Paris, Conservatoire National des Arts et Métiers. Pizarro S. (2022b) « Les modes de garde de l'enfant : des politiques publiques “neutres” à dérive inégalitaire ? », SociologieS (à paraître). Pizarro S. (2023) « Les politiques sociofiscales d'incitation pour l'emploi familial saisies par les pratiques sociales : mécanismes de classe et de genre de la délégation », Enfances Familles Générations [En ligne], Articles sous presse, Hors thème. URL: http://journals.openedition.org/efg/15314 Verschuur C. (2013) « Reproduction sociale et care comme échange économico-affectif. L'articulation des rapports sociaux dans l'économie domestique et globalisée », dans C. Verschuur et C. Catarino (dir.), Genre, migrations et globalisation de la reproduction sociale, Paris, L'Harmattan, p. 23-38.


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